En finir avec la « radis politique »


Valls2. Au niveau des symboles, ce gouvernement ne pouvait pas afficher mieux. Et d’une certaine manière, Hollande pourrait entrer dans l’histoire, comme celui qui après deux ans d’atermoiements idéologiques, ose enfin s’assumer dans ce qu’il est certainement : un réformateur social démocrate pur jus. Voilà un président convaincu que la société française est dans une impasse tragique dont elle ne parvient pas à sortir. Et dans laquelle les politiques, de droite comme de gauche, l’ont enfoncée, par renoncement, par refus de voir le monde tel qu’il est, remettant toujours à plus tard, les adaptations, les réformes, les décisions impopulaires. Forcément impopulaires! Voilà un président qui, volens nolens, va peut-être s’atteler à la tâche, bravant l’impopularité, conscient que c’est maintenant ou jamais. Le changement…!
Chacun sait bien que trop de verrous, économiques, sociaux, culturels, empêchent la France de tenir son rang dans la mondialisation. Chacun sait bien que cette mondialisation, parfois si justement décriée, est un incontournable du moment, de la séquence historique que nous vivons.Trotsky croyait dur comme fer que la révolution serait mondiale et permanente, faute de quoi, elle s’abimerait dans les pires errements. Ce fut le cas. L’effondrement du bloc soviétique a laissé le champ libre au capitalisme. Le mythe révolutionnaire est pour un moment (un long moment?) relégué aux enfers de l’histoire. Le capitalisme qui est lui en mue permanente s’est mondialisé, bien loin aujourd’hui de celui que Marx décrivait. A tel point que nulle part dans le monde, il n’est aujourd’hui véritablement remis en cause. Certes, il n’a pas apporté partout prospérité et bonheur, mais même dans sa brutalité la plus abjecte, il tolère, encourage l’espoir. La société de consommation, la Chine est un cas d’école, est le nouveau graal de l’humanité. Ceux qui n’y sont pas entrés, en rêvent, ceux qui y sont n’imaginent pas y renoncer. A preuve, les régimes théocratiques les plus obtus, qui prônent un retour à des textes aussi abscons que rétrogrades , se gardent bien de remettre en cause l’ordre économique actuel, la toute puissance de la marchandise.
Mais la gauche française dans ses composantes les plus radicales a du mal à admettre cette évidence, à faire son deuil d’une culture de rupture qui imprégne profondément les couches populaires et les intellectuels français. Alors, certaines de ces factions se réfugient dans le discours, dans les postures, dans les incantations, voire dans les textes sacrés et quand d’aventure elles approchent les réalités du pouvoir, elles s’y brûlent. Et se sauvent à toutes jambes criant à la vertu outragée, aux idéaux trahis.
Tout cela participe en fait d’une vaste mystification, dans laquelle le parti socialiste a sa part, sa lourde part de responsabilité. Pourquoi, chaque fois qu’il accède au pouvoir, le PS donne-t-il le sentiment de « trahir » le peuple de gauche? Un historien du parti, donne à cette question une réponse lapidaire : parce que les programmes électoraux, présidentiels ou autres, sont inapplicables, juste conçus pour gagner les suffrages. Le problème n’est donc pas moral (« il a trahi »). Il est politique, il concerne la lecture que la gauche fait de la société contemporaine, il concerne le projet et le discours qui l’habille.
Et là encore, F Hollande se distingue. Chacun a en mémoire le discours du Bourget, contre la finance, « son seul ennemi ». Une charge tellement appuyée contre les dérives du capitalisme, que d’aucuns ont cru le candidat converti aux thèses altermondialistes. On a vite compris que ce n’était qu’effets de manches, propos de tribune. Mais le mal était fait. On connait la suite : la gauche de la gauche qui entre en opposition, les Verts qui quittent le gouvernement et maintenant les frondeurs socialistes qui montent au créneau.
F Hollande vient de crever l’abcès. Mais il n’est pas dit que l’agitation s’apaise comme par miracle. Il n’est pas dit non plus que ses choix économiques portent rapidement leurs fruits, s’ils doivent un jour les porter, d’autant que le pays a besoin d’inscrire ses décisions dans une démarche partagée au sein de l’Europe. On n’en est pas encore là. Mais il a envoyé un message très clair à son parti, à ses militants. Il faut en finir avec la radis politique: rouge dehors, rouge pendant la campagne et blanche dedans, blanche quand ils sont aux affaires.Le PS va devoir se mettre en cohérence avec lui-même, et avec la société. Le prochain congrès du parti devra de ce point de vue mettre définitivement les pendules à l’heure, faute de quoi il se délitera dans des querelles d’égo masqués et désespérera définitivement le peuple de gauche. Le plus tôt sera donc le mieux!

6 réflexions sur “En finir avec la « radis politique »

  1. Je partage entièrement ton point de vue. Si certains socialistes continuent à tenir un discours « plus à gauche » il faut le dire et l’admettre, c’est parce que le marxisme continue d’imprégner certains esprits et que l’extrême gauche, y compris le PC, continuent de nous culpabiliser. Ils ne se sont pas rendu compte que les gens qui votent pour eux ne correspondent pas aux intérêts de ce qu’ils pensent défendre. Autrement dit, ils défendent des parties de population qui ne votent absolument pas pour eux.
    Je ne ferai pas l’injure aux communistes de leur rappeler que l’immonde Thorez affirmait que les masses se paupérisant, elles finiraient par adhérer à leurs thèses.

    Merci, en tout cas, d’avoir écrit ce billet.
    André

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  2. Lorsque l’on entend les discours de VALS et de MACRON lors de la réunion du MEDF, il faut parler de social-libéralisme et non de démocratie sociale. Lutte contre la lutte des classes, vive les patrons, vive l’argent… Quelle démocratie si ce n’est celle de la consommation pour ceux qui ont de l’argent ?…

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    • Bien sûr, il y a des gens qui ont des difficultés, qui triment… ou se désespèrent. Mais je pense qu’il est un rapide, pour ne pas dire totalement simpliste de tirer un trait d’égalité entre démocratie et argent

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  3. Je ne crois pas que ce discours pro-mondialiste aille dans le sens de ce que veut la majorité des français, y compris les classes populaires qui sont censées être l’électorat cible du Parti Socialiste. Si le PS a la même politique économique que l’UMP, quelle est la différence ? Et vous agrandissez, jour après jour, le boulevard déjà offert au Front National… La plupart des pays qui sont imbriqués dans la mondialisation ont une marge de manoeuvre : ils dévaluent leur monnaie nationale (ex : Grande-Bretagne après la crise financière de 2008), renforcent leur droit de douane sur certains produits (ex : Chine et Etats-Unis), utilisent la puissance étatique pour se spécialiser dans la production de certains produits de haute technologie (ex : Corée du Sud). Sans parler du développement des BRICS – Brésil et Inde en tête – qui n’appliquent pas forcément les mêmes règles du capitalisme mondialisé que les pays occidentaux (ex: la Banque des BRICS, nouvel avatar d’un ordre mondial multipolaire). Mais la France est englué dans l’Union Européenne qui a une vision, malheureusement, très naïve du libre-échange. Ca délocalise à-tout-va – la France a perdu 10% de son industrie en 10 ans – alors que les créations d’emploi dans le secteur tertiaire ne compensent pas ces pertes ; l’euro est une monnaie – nous le savons tous – surévalué car correspondant aux standards de l’économie allemande (ex : le patron d’Airbus – oui, Airbus, le principal pourvoyeur d’emplois industriels dans la région… pour combien de temps ?! – qui exprime son mécontentement dans les médias tous les 3 mois pour dire que l’euro fort handicape la production de ses avions). Alors, bien sûr, on peut courber l’échine comme le fait le PS (un 1983 bis !)… mais le réveil électoral sera brutal, très brutal.

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    • Non non, mon discours n’est pas mondialiste, il est juste un commentaire sur la situation politique française et sur la classe dirigeante (en l’occurrence les élites de gauche) qui tiennent des discours fracassants et se fracassent régulièrement sur le mur des réalités. Oui le capitalisme est un environnement économique mondialisé, dans lequel il faut en effet savoir se battre avec les armes adaptées. Et c’est vrai que faute de réformes courageuses et opérées à temps, la France accuse un handicap certain. Il est encore plus vrai que l’Europe est devenue une vieille vache à lait, qui a perdu toute agilité économique et qui devient donc la proie des grands prédateurs mondiaux. Mais je ne crois pas que le PS courbe l’échine. Il tente de se mettre au clair avec lui même et avec le peuple de gauche. Il essaie de faire prévaloir une vision plus dynamique de l’Europe, au sein d’un club où les intérêts divergents et à court terme ferraillent dur. La tâche est ardue. Faut-il pour autant casser la construction européenne, comme le préconise Marine Le Pen? Le coq pourrait bien alors se réveiller totalement déplumé.

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  4. Je partage l’analyse d’Arthur et il est flagrant que les positions de VALS et consorts devant les patrons , l’ acclamant parait-il debout, confirme les rapprochements sensibles entre les élites parisiennes du PS et la droite dite classique. Cela désappointent certains membres de l’UMP qui ne souhaitent pas autre chose dans leur propre politique, selon certaines interview. Je rajouterai que le mondialisme auquel se joignent amplement la France et l’Union européenne(et non l’Europe comme on peut le lire souvent) va nous détruire. Au nom de ce « social libéralisme nous sommes en discussion pour admettre que des accords « secrets » auraient lieu pour créer une justice spéciale(arbitrage) imposant des règles dictées par des Multi-Nationales principalement étasuniennes condamnant des pays lorsqu’ils refusent les produits entre autres, de ces sociétés. Deux exemples flagrants. Si nous refusons les OGM dans notre pays nous pourrions être condamnés par MOSANTO. Si une commune refuse l’exploitation du gaz de schiste sur son territoire, celle-ci pourra être condamnée. Si nous refusons l’importation de poulets étasuniens lavés à la javel venant des états Unis nous serions condamnés aussi. Alors la mondialisation qu’accepte ou que subit nos « dirigeants » est-elle dans le sens que souhaite le Peuple français. Je ne suis pas ou plus démocrate au sens actuel du terme. La population ne vote que par rapport à leurs propres intérêts et ce qui est transmis par une certaine culture télévisée.La démocratie repose sur un un éclairage donc une intelligence individuelle ou collective nécessitant une culture politique donc laïque donc critique tout cela au bon sens des mots. Je suis pessimiste car à ce titre le PS et même la vrai gauche ont non seulement le peuple « ouvrier » ou ce qu’il en reste ou les petits les sans grades… tournés aujourd’hui vers la famille d’extrême droite LEPEN, mais aussi les classes moyennes ou les salariés de l’administration s’abstenant car ne croyant plus en rien et surtout pas les idéaux socialistes(au-delà du PS). GV

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