L’art ? Points d’interrogations!


Alors que je déambulais d’un pas de touriste place Roger Delthil, un gros point d’interrogation envahit tout à coup mon champ de vision. Quelques mètres plus loin, un autre. Puis un autre rue Jean Moura, et encore rue de l‘Inondation… j’ai bien dû ce matin en compter une quinzaine. Des points d’interrogation, comme des enseignes, comme un « teasing » pour une marque inconnue, dans cette ville où les commerces battent de l’aile.

Cette ponctuation me parut soudain doublement signifiante. Elle invitait, c’est sûr, à un parcours dans les rues du Centre de Moissac. Et peut-être que pour les plus cérébraux, elle conduisait à s’interroger sur le destin d’une ville, jadis prospère, qui ne parvient pas aujourd’hui à cacher totalement son état, murs lépreux, magasins vides et volets clos !

Mais j’étais d’humeur badine et donc assez peu disposé à la gravité. Je décidais, puisque invites il y avait, de pousser l’exploration. Il suffisait bien entendu de franchir une porte. Dans ces boutiques désertées par le négoce, parfois même dans ces vieux appartements dont ne veulent plus les locataires, artistes et artisans d’arts ont trouvé domicile le temps d’un été. Ici un peintre à l’inspiration ténébreuse, et dont le dessin cache mal une admiration un peu trop juvénile pour Picasso. Ailleurs, une restauratrice de tableaux expose son savoir- faire, impressionnant, et ses propres œuvres, moins convaincantes ! Plus loin un autre peintre semble avoir opté pour l’art naïf. Faute d’un peu de culture artistique, je m’interroge : est-ce là l’expression d’un réel talent ou travail de barbouilleur pour reprendre une expression de Zinoviev, écrivain soviétique aujourd’hui disparu. Point d’interrogation encore ! Emporté par la curiosité, je pousse plus loin. C’était l’heure du déjeuner. Dans cette boutique aux murs refaits à neuf, coincée entre deux terrasses de restaurants, les artistes étaient à table. Un marquetiste qui meuble son existence en réalisant des tableaux de bois. Véritables chefs d’œuvre de précision, et qui témoignent d’un éclectisme de bon aloi. Voisin et co-locataire estival, un créateur sur cuir, qui de son propre aveu « fait une très belle saison ». Il est vrai que l’Aveyronnais, ainsi se présente-t-il, sait d’évidence travailler cette matière et ne manque pas d’inspiration !

La rencontre avec un artiste qui parfois accepte de se montrer à l’ouvrage, est toujours une expérience forte. Que ceux que mon clavier a égratigné, me pardonnent. Il me pousse à jouer aux frères Goncourt (?). Mais ces artistes, Moissagais d’un été ou de toujours, ont toutes et tous bien des mérites, et premier d’entre eux, celui d’attendre le curieux, l’amateur, peut-être le chaland qui leur permettra de boucler la prochaine fin de mois. Car curieusement, biz-art-rement, le public, qui n’est ni grand ni petit, passait ce dimanche devant eux sans s’arrêter,  trop occupé par ses affaires, les bras et la tête chargés de victuailles. Dur, dur ! Il y a dans cette ignorance quelque chose qui fait mal, quelque chose qui bouscule les certitudes. Les arts, plastiques en l’occurrence, ne seraient-ils rien d’autre que d’inutiles objets, vaines distractions de l’esprit et de la main à l’usage exclusif de quelques privilégiés de la vie ? Moissac, ville d’art et d’histoire, pour qui, pour quoi ?

 L’heure n’est pas encore au bilan. Et la satisfaction de certains créateurs tempère comme toujours le vague à l’âme de leurs voisins.  L’opération « l’Art s’invite à Moissac » continue jusqu’au 17 septembre. Mais on sent, chez les promoteurs de cette belle opération, comme le début d’une déception d’amoureux éconduits. On les comprend. Il faut beaucoup d’énergie, une bonne dose d’engagement pour braver les habitudes, dépasser les idées reçues et… négocier avec des bailleurs – pas tous heureusement – qui n’ont guère ici l’âme mécène. Ces galeries éphémères vous attendent. Ne les faites pas languir !

 

Une réflexion sur “L’art ? Points d’interrogations!

  1. – Einstein : « Celui qui a perdu la faculté de s’émerveiller et qui juge, c’est comme s’il était mort, son regard s’est éteint ».
    – Ernst Hans Gombrich (Histoire de l’art) :  «  Des artistes, il en naîtra toujours, mais que l’art continue d’exister, cela dépend aussi, dans une mesure qui n’est pas négligeable, du public, de nous-mêmes. Notre indifférence ou notre intérêt, nos préjugés ou notre compréhension, pèsent sur l’issue de l’aventure ».


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