Je publie aujourd’hui, c’est d’actualité, le courrier d’une possible lectrice où il est question de retraite, de diesel, d’impôts et au final de cette existentielle question : comment être rural ? (J’ai volontairement raccourci le texte, par crainte cher lecteur de te lasser)
« J’habite une charmante bourgade. Jusqu’à aujourd’hui j’ai été épargnée par la maladie. Je suis donc dans la force de l’âge. Et J’ai beaucoup de chance, j’ai un mari, qui a un an de plus que moi et que le temps et le labeur n’ont pas trop abimé. A tous les deux nous touchons un peu plus de trois mille euros de retraite. Pas de quoi dîner tous les soirs chez les étoilés du Michelin, mais assez pour vivre correctement dans la maison que nous avons fini de payer il y a tout juste 10 ans, et où nos deux enfants sont nés.
Nous sommes des retraités actifs, engagés au service des autres. Mon mari est aux Restos du cœur, au club de rugby où il encadre des minots et moi je fais du soutien scolaire. Conseillère municipale, c’est mon premier mandat, je travaille sur l’animation, les fêtes et les activités culturelles de notre commune. Voilà, nous sommes des ruraux comme il y en a tant d’autres qui veulent rester vivants, les deux pieds dans la modernité.
Mais quand on habite la France profonde, c’est comme ça qu’ils disent à la télé, les choses ne sont pas toujours très simples, pas aussi évidentes que ces messieurs-dames des villes l’imaginent. Comment réserver un billet de train -il n’y en a plus beaucoup par chez nous- quand on n’a pas internet ? Comment faire sa déclaration d’impôts quand on n’a pas internet ? Je vous épargne la litanie. Le fait est que dans nos campagnes, comme jadis l’électricité, puis le téléphone, l’internet se fait désirer. Pas de réseau ou si peu ! Fracture numérique ! A propos de fracture, le voisin ne se remet pas de la sienne, à la jambe gauche. Pas de bol pour ce socialiste historique ! Il enrage, il n’a plus de médecin. Le dernier du coin est parti en Tunisie vivre une retraite de nabab. Le voisin, comme nous tous, n’a plus que l’hôpital pour se faire soigner. Plus de trente kilomètres à parcourir et des urgences transformées en dispensaire. Galère ! Et voilà qu’on nous dit que l’hôpital pourrait fermer, avalé par celui de Montauban. Le désert !
En centre-ville, les boutiques ferment les unes après les autres et à la mairie, on s’arrache les cheveux pour stopper l’hémorragie. Mais je me demande parfois si on n’est pas un peu tous responsables. Au bonheur des supermarchés, le grand commerce au milieu des champs ! Le béton et la bagnole. Le rêve des années Pompidou ! Les Glorieuses qui vendaient pas cher, la liberté au volant d’un diesel. Mais voilà que le carrosse se révèle citrouille empoisonnée. Particules fines. Elémentaire mon cher Watson ! Quand je démarre mon DCI, je pense à mes petits enfants. Et puis j’oublie, jusqu’à la pompe qui me dit qu’il va falloir arrêter les frais. Elle n’est pas la seule. Le gouvernement annonce des assurances plus chères, des contrôles techniques plus tatillons, des amendes plus lourdes…On nous roule, et à petite vitesse. A petit feu ! Du coup je me remettrais bien à la bicyclette s’il n’y avait pas toutes ces côtes dans notre beau pays de Serres. Avec ces économies je pourrais payer la CSG. Dommage qu’on ne soit pas assujettis à l’ISF, on aurait fait encore plus d ‘économies maintenant qu’elle est supprimée.
Certains soirs, quand la pluie tapisse la nuit, coup de blues. Sommes-nous les derniers des Mohicans, d’encombrants indigènes rescapés du monde d’hier ? Comme me disait mon mari, c’est parfois difficile d’être moderne, surtout quand la modernité semble nous faire grief d’exister. Mais trêve de jérémiades, à la gare ! Mamie va à la grande ville, embrasser ses petits enfants. » s
Être rural ? Ça va devenir un luxe…
Je suis une jeune quinqua et je fais tous les jours ou presque, 150 kms pour aller travailler. Les risques sont de plus en plus grands et le coût de tous ces trajets aussi. Les contraintes se multiplient : radars, répression, amendes. Bref, et oui, il faut bien prendre l’argent quelque part lorsqu’on en cherche. Et surtout auprès de ceux et celles qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler…
J’habite dans une ville de 12500 habitants voisine de 6 kms d’une autre ville de 13000 habitants, soit une agglomération de + de 25000 habitants. Pourtant, aujourd’hui, je dois faire 22 kms pour me rendre chez mon médecin traitant qui se trouve dans un village à 11 kms de chez moi. Cherchez l’erreur !
Je suis ce que l’on appelle, hyperconnectée. Pourtant, j’achète local. Les livres de mon gamin, je ne les ai pas commandé sur Amazon mais chez le libraire au cœur de ma ville. La plupart de mes achats de Noël ? Je les ai acheté locaux, au cœur de ma ville et aux environs mais pas ailleurs, ni dans les centres commerciaux. Lorsque l’on choisit de vivre rural et bien il faut consommer local et revenir au cœur de la ville. Ma ville se meurt parce qu’aussi les gens partent. Mais pourquoi partent-ils ? Même si nous pouvons tous contribuer à faire changer les choses, nous ne pouvons pas le faire seuls. Il faut qu’il y ait une vrai volonté politique de remettre la vie au cœur de la ville…
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