L’habit ne fait pas le moine


Deux morts, plus de 700 blessés. Le bilan encore provisoire des manifestations des gilets jaunes est lourd. Sans parler des déprédations, destructions de mobilier urbain, et autres saccages des ronds-points et péages d’autoroute. Que dit ce bilan ? Que ce mouvement, au demeurant minoritaire, crée de vives tensions avec une bonne partie de la population laborieuse qui ne comprend pas les blocages. Ce bilan dit aussi les contradictions des jaunes : quels moyens de lutte pour quels objectifs ?  Plus le mouvement s’effiloche, plus les contradictions s’exacerbent ! Il dit aussi les limites et les dangers d’un rassemblement parti de nulle part sur les réseaux sociaux et qui se montre incapable de se structurer, de se donner des représentants ne serait-ce que pour discuter avec le gouvernement.

Pour autant, ces hommes, ces femmes, très nombreuses sur le terrain, méritent qu’on les écoute. Outre la question des carburants et donc du pouvoir d’achat, ils revendiquent deux choses : leur singularité -ils ne sont pas des urbains- et leur besoin d’exister, de se montrer pour ce qu’ils sont et souvent ont choisi d’être. Dans ce monde où exister c’est paraître, ils ont décidé de se faire voir et entendre. Croient-ils réellement, les plus avertis tout au moins, que leur raffut qui emprunte tout à la fois à Pierre Poujade, à mai 68, à nuit debout, fera plier le gouvernement ?

Ils soulèvent néanmoins des questions existentielles : les efforts ne leur paraissent pas équitablement partagés, ils voient les inégalités se creuser et craignent un déclassement pour eux ou pour leurs enfants. Peu leur importent les objections chiffrées, rationnelles. Ils n’ont cure des arguments gouvernementaux. Ils savent que le monde est en train de changer profondément mais ils en refusent les conséquences prévisibles : renchérissement du prix des carburants, de l’électricité…nouveaux modes de consommation et au final boulversement profond des modes de vie. Ils croyaient à la pérennité des choses. On ne les avait pas préparés à la fin des certitudes.

Certes il faut mettre en œuvre de profondes mesures de justice sociale et de redistribution. Mais il faut aussi accompagner, par l’éducation, par la mobilisation de tout le corps social, la grande mutation environnementale dont nous vivons déjà les conséquences. Le chemin de la transition écologique est pavé de contradictions. Raison de plus pour prêter attention à la proposition de Laurent Berger, qui pour la CFDT, préconise une sorte de conférence du consensus, embarquant tous les corps intermédiaires, les associations, et les syndicats. François de Rugy, ministre de l’environnement, Gilles Le Gendre, président du groupe parlementaire LREM,  soutiennent l’initiative. Le président Macron semble vouloir saisir la balle au bond. Il ne faut pas rater l’occasion!

5 réflexions sur “L’habit ne fait pas le moine

  1. Le peuple est en colère. Que veulent les gilets jaunes ? Vivre décemment et pour certains meme, pouvoir manger à leur faim. Nombreux sont ceux qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, du jour au lendemain, peuvent se retrouver à la rue. L’horizon se voile dans une société qui devient de plus en plus inégalitaire et injuste sur bien des points. Le mouvement est beaucoup plus sérieux que l’on ne pense et le danger arrive quand certains, comme aujourd’hui, n’ont plus rien à perdre. Je suis surprise de voir ou du moins deviner, tant de mépris du côté de la critique dite « intellectuelle » et parfois « à deux balles ». Les gilets jaunes sont caricaturés de beauf, de fachos, de rascistes, d’extrême droite, de cretins incultes et j’en passe. Ils sont jetés en pâture, livres aux griffes acerbes de certains qui s’acharnent à les décrédibiliser. Et bien oui, comme à chaque fois, il y’a des fachos, des gens d’extrême droite dans ce mouvement mais c’est une minorité et ce n’est pas le but. Attention au mépris de classe voire la haine de classe ! La critique intellectuelle est sévère, injuste et très hautaine. Le fossé se creuse sérieusement et dangereusement. Et la violence n’est pas très loin. Ça peut dégénérer je pense. J’ai lu les articles du nouvel obs, j’étais dégoûté de ce mépris envers le peuple. Dans certaines chaînes publiques, chacun y va de sa propre plume et de son propre avis perso. Mais où va t’on ? Mais où est donc passé l’esprit de gauche si cher à notre démocratie ? Envolé, pietinné, bafoué.

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  2. Bonjour,
    Tout à fait d’accord avec toi Marie,la critique du ras-le-bol populaire tourne beaucoup trop souvent au mepris de classe. .
    Ce n’est pas parce qu’une partie des gens participant et soutenant ce ras-le-bol, n’ont pas ou tres peu de conscience de classe que nous devons les taxer de poujadistes ou de petit-bourgeois defendant des interets privilegiés.
    Nous sommes en 2018,cela fait plusieurs decennies que la culture politique ouvriere a été depecé par les populismes de droite comme de gauche,au point que la conscience de classe recul au profit des interets des classes dominantes.Le reve d’un patron en 2018: voir ses ouvriers briser les greves et blocages genant l’approvisionnement de son usine,le tout avec l’approbation des « consciences de gauche » locales…

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    • Un: la sociologie de ce mouvement des gilets n’a pas été faite. le mouvement semble cependant très hétérogène, des prolos, des chômeurs, mais aussi nombre de petits patrons, artisans, commerçants… Pour autant ce mouvement n’est pas le peuple, tout au plus une de ses composantes, très minoritaire…
      Deux: Il est légitime d’interroger le contenu de revendications, d’où qu’elles émanent. Ne serait-ce que pour trouver la réponse la plus adéquate. En l’occurrence, le prix des carburants pose le problème de la transition écologique, son coût, les mesures d’accompagnement afin qu’elle soit socialement supportable et que l’effort que nos sociétés doivent consentir, soit le mieux réparti, le plus juste possible.
      Trois: les gilets jaunes ne sont pas des grévistes. Ils sont tout, sauf ça!
      Quatre: la violence verbale et parfois physique de certains gilets, à l’encontre de l’institution (politiques, journalistes…) mais aussi à l’encontre des travailleurs ordinaires qui ne voulaient pas s’associer aux blocages, interroge, voire inquiété.
      Cinq et j’arrête là pour l’instant: pourquoi, en France en particulier, la manifestation d’une opinion, d’une revendication a t-elle besoin de se draper dans les oripeaux de l’émeute? Pourquoi des gens qui se plaignent des taxes, cassent-ils des péages, de ronds points, du mobilier urbain qu’il faudra bien remplacer..? Avec l’argent de qui?

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  3. Ça s’appelle une révolte sociale ! Même si les agressions, insultes et la casse sont inacceptables, la machine est lancée… En revanche, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de commerçants et petits patrons dans ce mouvement mais, des ouvriers, des employés, des retraités, des fonctionnaires, des professions intermédiaires, des chômeurs bref, tout un ensemble de personne qui constitue le peuple. Nous ne sommes plus dans l’idéologie mais dans la réalité. Quand à la majorité des casseurs ??

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    • Ce mouvement est en effet très composite. Il faudra en faire la sociologie. Mais il y a quelque chose d’intriguant: voir sur un même barrage un chômeur, un salarié smicard et le patron qui l’emploie… dénoncer l’impôt et les salaires.

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