Christiane Taubira a décroché la mention bien -heureusement le ridicule ne tue pas- devant ses petits camarades, Jean Luc, Yannick et Anne qui n’étaient pas candidats, ils l’ont maintes fois rappelé, à cette primaire populaire. Dès lors ne faudrait-il pas plutôt parler de bouffonnerie 2.0, d’escroquerie intellectuelle, voire de manipulation des esprits ?
Au début était, non pas le verbe, mais l’espoir confus et néanmoins tenace au sein des gauches, dont Manuel Valls avait justement prophétisé qu’elles étaient irréconciliables, d’un rabibochage idéologique in extremis, d’une reconstitution miraculeuse du front populaire, ou de la résurrection du concept de gauche plurielle cher à Lionel Jospin. Mais le réel est têtu, et depuis déjà longtemps le constat était fait que les gauches ne partagent pas grand- chose, n’ont pas de projets compatibles et surtout pas l’envie de faire cause commune. Leur faiblesse politique est le miroir de leurs raideurs idéologiques. Il y a belle lurette qu’une partie de leurs électeurs ont pris la tangente, appareillant vers les rivages de la macronie, où le parti « Territoire de Progrès », leur propose désormais un port d’attache.
La primaire citoyenne est donc ce qu’elle promettait d’être : une piste d’atterrissage pour Christiane Taubira, qui sans parti, si ce n’est le petit PRG de Jean Michel Baylet, sans programme, si ce n’est un verbe toujours aussi flamboyant, s’invite, après une longue éclipse, dans la compétition présidentielle. Comme en 2002 !( lire ici Jeu de dames) Au prix cette fois encore d’un affaiblissement radical des causes qu’elle prétend défendre. Femme providentielle, elle se veut l’incarnation de l’union quand elle n’est pour reprendre les mots de ses concurrents qu’une « candidature de plus ». Adepte du parler vrai, elle avance masquée depuis des mois. Chantre d’une démocratie renouvelée, elle invente les « candidats malgré eux » pour les besoins de sa primaire populaire.
Du jamais vu, du grotesque même ! Mais le fruit de l’air du temps, de ce temps qui veut renouveler les pratiques démocratiques, mobiliser l’électeur frondeur ou déserteur dans des agoras numériques, inventer une autre façon de faire citoyen. Au vu de la crise démocratique qui n’affecte pas que la gauche, l’intention est louable. Son approfondissement nécessaire, à la condition qu’on ne trompe pas les gens sur la marchandise, qu’on ne leur fasse pas prendre des vessies pour des lanternes. Cette primaire populaire n’est pas sortie de nulle part. Elle est directement inspirée par un phénomène dit « mouvementiste », en l’occurrence il s’appelle « Sun rise » aux USA. Il constitue, là-bas comme ici une sorte de résurgence du spontanéisme qui fit long feu dans la France des années soixante-dix et semble, dans sa version tricolore, souffrir déjà des mêmes maux que ceux qu’il dénonce dans le vieux monde politique. L’histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement?