Retraites: le casse-tête


Il s’appelait Michel Rocard, socialiste revenu des utopies de l’extrême gauche. Premier ministre de F Mitterrand, il fut en 1991 à l’origine du Livre blanc sur les retraites, qui annonçait des lendemains difficiles pour notre bon vieux régime par répartition. Le chômage était alors de 9,2%.  « Même avec des hypothèses économiques favorables au plein emploi, les régimes de retraite connaîtront des problèmes de financement à partir de 2005 » prophétisait le rapport. Visionnaire ! Mais il venait d’ouvrir la boîte de Pandore.

C’est en 1946, aux lendemains de la Libération que le ministre du travail, le communiste Ambroise Croizat, met en place la Sécurité sociale : « Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie » C’est en fait un ex-leader Cégétiste, René Belin, ministre de Pétain en 1941, qui avait jeté les bases d’un système de retraite par répartition.

Ainsi, de 1946 jusqu’au brûlot rocardien, la retraite était une affaire entendue, un acquis social que les « Trente Glorieuses » avaient installé dans l’éternité. Le désenchantement n’en fut que plus brutal. S’ouvrait avec le livre blanc de Rocard l’ère des incertitudes. La montée d’un chômage de masse, la démographie, le vieillissement de la population changeaient progressivement la donne.

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De gauche comme de droite, les successeurs de Michel Rocard ont été confrontés au problème de l’équilibre de notre système. A quelques rares exceptions près, ils ont dû faire face à une hostilité plus ou moins forte de leurs opposants politiques, mais surtout de l’opinion et des syndicats

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Au cours de son premier quinquennat, Emmanuel Macron a voulu changer en profondeur ce système dont, quoiqu’on en dise, et malgré les réformes successives, la pérennité n’était plus garantie, un système qui demeurait de surcroît injuste et inégalitaire. C’était tout l’enjeu d’une réforme systémique. La mobilisation de la société et l’urgence COVID ont eu raison de ce projet qui se présentait pourtant comme une révolution copernicienne.

Car on peut toujours ergoter sur les conclusions du COR (le Conseil d’orientation des retraites) mais le problème mis au jour en 1991 est là. Il demeure d’une brûlante actualité. Les évolutions de notre société, allongement de la durée de vie en bonne santé, diminution du nombre d’actifs cotisants, meilleure prise en compte des carrières hachées, celles des femmes notamment, des accidents de la vie, des métiers pénibles obligent à une réévaluation régulière de nos dispositifs. Les retraites deviennent un problème cyclique et on peut parier que l’actuel projet, serait-il in fine mis en route, sera suivi dans quelques années d’une nouvelle réforme. Sic transit gloria mundi !

L’enjeu, aujourd’hui comme hier, c’est de faire durer et d’améliorer notre système par répartition, dont nous sommes si fiers. C’est donc de veiller d’abord à équilibrer les comptes pour dispenser l’état d’y contribuer et lui permettre en même temps de concentrer ses efforts sur d’autres secteurs, santé, éducation, défense nationale, justice et bien sûr action climatique, dont on voit bien aujourd’hui qu’ils demandent des moyens considérables. Pour atteindre l’équilibre et améliorer la situation des retraités, il n’y a pas trente-six solutions. L’état peut augmenter les impôts des particuliers et des entreprises (on a déjà un des plus forts taux d’imposition de l’OCDE). Il peut augmenter les cotisations, diminuer les pensions mais dans les deux cas quid du pouvoir d’achat des ménages ?  Le gouvernement a choisi une autre voie. Son modèle économique repose sur deux piliers :  le retour prochain au plein emploi qui augmenterait considérablement le nombre de cotisants et donc les ressources du régime et l’augmentation graduelle de la durée de cotisation tout en retardant l’âge légal de départ à la retraite. C’est indolore en termes de pouvoir d’achat. C’est ce qu’on appelle une réforme comptable, paramétrique pour parler HEC. Mais quand le dispositif proposé se double de mesures sur la pénibilité, les carrières longues, les carrières hachées, l’accompagnement des séniors, la fin des régimes spéciaux, quand il propose une pension minimum égale à 85% du SMIC pour toutes et tous, quand il ne change pas la date butoir de 67 ans, départ à taux plein, il améliore le système, le rend plus juste, plus égalitaire, il esquisse une réforme systémique. Il s’inscrit dans la continuité de la réforme portée en 2014 par la socialiste Marisol Touraine, soutenue alors par les syndicats réformistes.

Comment comprendre que le projet présenté par Elisabeth Borne et d’Olivier Dussopt concerté, négocié des mois durant avec toutes les forces vives du pays, soulève une telle bronca? Comment comprendre les propos de Jean Luc Mélenchon qui voit dans cette réforme le tapis rouge déroulé devant les fonds de pension, l’advenue d’un système par capitalisation ? Comment comprendre cette levée de boucliers alors que le débat parlementaire n’a pas commencé et qu’on ne connaît pas la mouture finale de ce projet ?

Peut-être que la clé de l’énigme s’appelle Macron, la bête noire d’une gauche, avec laquelle l’extrême droite fait chorus, qui en a fait le président des riches et ne lui rend grâce de rien, pas même sur le quoi qu’il en coûte. Faut-il pour autant désespérer ? Non !

2 réflexions sur “Retraites: le casse-tête

  1. Je partage entièrement. Raison de plus pour laisser tranquilles les régimes spéciaux gérés par les professionnels indépendants, sur leurs fonds propres, sans aide de l’Etat, qui sont en bonne santé et contribuent aussi à l’équilibre de la Sécurité Sociale.

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