L’ébullition permanente


Dans la rue, dans les entreprises, la marmite sociale boue à gros bouillons tandis que l’Assemblée nationale perd ses nerfs. Bien difficile de prévoir comment va se terminer la séquence retraites!

Apparemment stoïque, E. Macron attaque une nouvelle réforme, celle des institutions. Et semble vouloir se pencher sur le cas des régions… Grrr!

Dans ce pays où nous ne sommes jamais d’accord sur rien, où le sens de l’intérêt général fond comme neige au soleil, peut-être pourrions-nous nous accorder sur un point, essentiel à mes yeux : il faut pérenniser notre système de retraites par répartition, hérité de la Résistance et garantissant un minimum de solidarité entre tous les travailleurs. L’autre système c’est la capitalisation, le contraire d’un système solidaire, où chacun dans son coin ferait ses petits arrangements, et par la même occasion le bonheur des fonds de pension. Pour la plus grande gloire d’un capitalisme affairiste !

Ceci posé, notre système par répartition est-il menacé ? Le COR, le Conseil d’orientation des retraites, dit qu’il n’y a pas tout de suite péril en la demeure, mais que demain risque d’être plus difficile. En clair, il y aurait du déficit dans l’air. Or, on ne sait pas comment vont évoluer les ressources du système et c’est bien l’objet du débat. On sait en revanche que la France vieillit, que la durée de vie des Français s’allonge. On vit plus longtemps et en bonne santé qu’avant. On sait donc qu’il y a de plus en plus de pensionnés alors que le nombre de cotisants ne suit pas la même courbe. Ça c’est la démographie qui le dit et c’est incontestable.

Nous sommes donc devant une difficulté, à moyen terme, qui consiste à augmenter les ressources pour faire face à ce déséquilibre structurel que les réformes Balladur, Juppé, Fillon, Woerth, Touraine n’ont que momentanément comblé. Que faire donc ? Augmenter les cotisations patronales ? C’est ruiner les efforts pour rendre nos entreprises plus compétitives. Augmenter les cotisations salariales ? C’est manger un peu plus du pouvoir d’achat des salariés en ces temps d’inflation débridée. Taxer les super profits ?  Oui, pour financer des investissements lourds, dans divers domaines comme la santé, l’école, le changement climatique. Mais pas pour financer le système des retraites qui doit demeurer contributif, c’est à dire l’affaire du monde du travail. Demander à l’état de mettre la main à la poche ? C’est tomber dans le même piège, écorner le système et priver en partie les partenaires sociaux de la responsabilité de gestion.

20 fois sur le métier…

Alors ? Qu’on le veuille ou non, il faudra bien que les principaux concernés, c’est à dire nous tous, consentions quelques efforts qui doivent être justes et proportionnés. Dès lors l’allongement général et progressif de la durée de cotisations paraît inéluctable. Il faut aujourd’hui 172 trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein pour ceux nés en 1973, et seulement 166 trimestres pour ceux nés en 1955. Dans ce cas, dans le système, une personne qui aurait commencé à travailler à 18 ans, et qui pourrait partir à 59 ans et 6 mois, devra attendre 62 ans pour une pension à taux plein. Une autre qui serait entrée dans le monde du travail à 26 ans, ne pourrait pas partir avant 67 ans. On voit bien à travers de ces deux exemples que la fixation d’un âge de départ pénalise plutôt les « jeunes travailleurs ». Qu’en serait-il si on recule encore plus loin cette échéance ?

Quelques principes

Il faut en convenir, le dossier est d’une complexité folle. Mais pour s’en tenir aux grands principes, le système doit pouvoir gommer les conséquences d’une entrée précoce dans la vie active, comme il doit mieux prendre en compte la pénibilité, les carrières hachées, les congés maternité et parentaux. Il doit porter une triple exigence : justice, liberté, responsabilité. Par ailleurs, la fixation d’un taux de pension minimum pour une carrière complète ou compensée paraît nécessaire, ainsi que la disparition des régimes spéciaux propres à des corporations, qui pour la plupart équilibrent leurs comptes avec l’aide du régime général et de l’état. On nage en plein anachronisme !

En 2019, E Macron a dû retirer sa réforme des retraites, qui apparaissait alors comme plus ambitieuse, parce qu’universelle, et plus juste. On parlait de réforme systémique, à savoir un changement profond de notre système par répartition. La complexité de l’affaire, les oppositions du monde politique et du travail (à l’exception peut-être de la CFDT) et l’advenue de la crise COVID ont eu raison du projet. Cette fois, E Macron a cru bon de faire en apparence plus simple. Mais l’introduction du paramètre d’âge de départ a brouillé totalement le message, réduisant le texte à cette disposition que les Français ressentent comme un chiffon rouge.

Et maintenant les Régions…

Autre réforme avortée lors du premier quinquennat : la réforme des institutions. Bloquée d’entrée de jeu par l’opposition du Sénat. Mais comme disent tous les bons latinistes, « bis repetita placent » et voilà que l’Élysée rouvre ce dossier. On en est pour l’instant au stade des consultations des représentants des grandes institutions de la République et par le biais de transpirations finement dosée, on tente de sonder les médias et l’opinion. Voilà que revient dans le débat l’instauration d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives, le retour du septennat ou encore la diminution du nombre de députés, voire de sénateurs. On réfléchit paraît-il intensément chez les conseillers du Président au comment réconcilier les Français avec leur système démocratique. Comment rapprocher le citoyen des institutions ?

Et voilà que revient la question des Régions. Sous la présidence de F Hollande, elles avaient été regroupées, fondues au sein d’entités plus importantes qu’on disait nécessaires pour tenir notre rang dans une Europe où les landers allemands et les Communautés espagnoles servaient de comparaison. C’est ainsi que naquit l’Occitanie, fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, soit 13 départements et deux capitales Montpellier et Toulouse. L’entreprise fut difficile, les obstacles et les résistances nombreuses. Le travail d’intégration fut long et coûteux, au point que la Cour des Comptes s’était alarmée dans un rapport des frais de fonctionnement de la région.

Si loin, si proche…

Mais, en tant que membre du CESER (le Conseil économique, social et environnemental régional, la deuxième assemblée du territoire) je peux attester que cette séquence est derrière nous. L’Occitanie existe. Elle a réconcilié l’histoire et les temps modernes. La région est une réalité concrète, palpable dans tous les territoires, de la Lozère au Pyrénées orientales, du Gard au Tarn et Garonne. Sa présidente Carole Delga est donc fondée à s’inquiéter des rumeurs sur un détricotage de cette organisation. Elle n’est pas seule, son voisin, Alain Rousset, président la région Nouvelle Aquitaine est lui aussi monté au créneau.

On les comprend. Outre le fait que ces grandes régions sont aujourd’hui pleinement opérationnelles, leur démantèlement ouvrirait une nouvelle période de confusion au sein de l’ensemble des collectivités territoriales et conduirait inévitablement à de nouvelles dépenses, et à de dispendieux arbitrages. Peut-on, doit-on se payer ce luxe ? Certainement pas. L’argent public est mieux employé quand il sert des investissements (par exemple sur la transition énergétique et le changement climatique).

Pour autant, le millefeuille français, l’empilement des structures territoriales ne vont pas sans poser quelques problèmes. Le maintien des Conseils départementaux demeure une des questions de l’heure susceptible de remettre au goût du jour la fonction de conseiller territorial, personnage bicéphale, siégeant au sein de l’instance régionale et représentant de son département. La proximité avec les citoyens n’y perdrait pas et l’efficacité y gagnerait probablement. Bien sûr, tout ceci n’est encore que spéculations. On aura donc l’occasion d’y revenir.

2 réflexions sur “L’ébullition permanente

  1. D’accord sur le fond pour les deux questions. Pas d’accord sur la forme ; les régimes spéciaux de certaines professions libérales sont des régimes par capitalisation sur laquelle le Gvt lorgne afin de mettre la main sur les réserves. Sur les régions il semble qu’il veuille diviser pour mieux régner sans partage.

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