La Com com à vau l’eau

Non ce n’est pas un gag. Au moment où chacun crie misère dans son coin, la communauté de communes «Terres des Confluences » ne sait pas quoi faire de ses rentrées fiscales. Elle a trop d’argent ou pas assez de projets à financer. Le pot aux roses a été découvert à l’occasion de la discussion sur le budget prévisionnel, le BP 2024. La rumeur laissait entendre depuis des mois que la collectivité territoriale était sérieusement essoufflée, incapable de faire taire les états d’âmes des petites communes, jalouses en quelque sorte de la place et du rôle que tiennent Moissac et Castelsarrasin, les deux gros poissons du marigot.

Cette situation n’est certes pas récente. Voilà des lustres, on en parlait déjà pendant les mandats de Jean Paul Nunzi, que les communes rurales s’estiment mal aimées, croient dépérir à l’ombre de leurs grosses voisines, rejouant à leur échelle la querelle des villes et des campagnes. Bien évidemment, cela relève pour une grande part d’une paranoïa de lilliputiens qui alerte moins sur une réalité budgétaire que sur l’empilement de structures administratives obsolètes et sur la qualité du personnel politique local. Est-il bien raisonnable de conserver des communes de quelques centaines, voire de quelques dizaines d’habitants qui à chaque élection municipale, peinent toujours plus pour trouver les quelques volontaires capables d’entrer au Conseil ? Capables de penser plus loin que le bout de leur clocher pour s’inscrire dans une ambition collective ?

Je sais que cette perspective est loin de faire consensus dans ce pays où sous prétexte de démocratie on a multiplié jusqu’à l’absurde les structures de gestion. On va donc la laisser provisoirement de coté pour s’intéresser au fonctionnement de la Com-com. Et c’est son premier vice-président, JP Besiers, par ailleurs maire de Castelsarrasin qui a mis les pieds dans le plat en refusant de voter le budget de la Collectivité au final approuvé d’une courte tête. Il s’en est expliqué longuement dans un communiqué de presse où il s’étonne d’abord des dépenses de fonctionnement : plus 14% pour les charges générales et plus 42% pour les  frais de personnels. Nous voilà loin des déclarations initiales qui promettaient que la création de ces communautés ne conduirait pas, à l’instar des petits pains, à la multiplication des fonctionnaires et donc à l’augmentation des budgets globaux des collectivités. « Nous avons des dispositifs mis en place, à disposition des communes, que les communes elles-mêmes ne comprennent pas ou peu, ou ne savent pas de quoi il en retourne, tant cela peut paraitre complexe » concède le premier vice-président de la Com-com. Et alors qu’en 2023, seuls 2 millions d’euros ont été réellement investis sur les 9 inscrits au budget, Jean Philippe Besiers de s’exclamer : « on joue petit bras ».

La faute à qui ? A l’entraineur, donc au président entend-on du côté de Moissac et de Castelsarrasin. Dans le même temps, les petites communes faisaient bande à part lors d’une réunion sans lendemain. Mais c’est dire le malaise qui s’est emparé des Terres où la confluence semble de plus en plus difficile. La gestion de la collectivité est clairement mise en cause, le fonctionnement de l’équipe dirigeante dénoncé à demi-mots par ceux-là même qui la composent. Ambiance !

Le président de la Com-Com, Dominique Briois, maire par ailleurs de la petite commune de La Ville Dieu du temple tente de faire face : « Est-ce ma faute ? Suis-je le responsable de tout ça ? Je me suis déjà posé la question. Il nous reste deux ans. Si on s’implique chacun, on va la faire avancer mais on attend tout des autres. Que les projets remontent des commissions et des élus aussi. Aujourd’hui, il n’y a pas de mouvement. » Et il vrai que cela ressemble à la grande panne, comme si ces élus, de tous bords, estimaient n’avoir rien à faire ensemble. La seule réalisation notable à mettre à leur compte est le centre aquatique, décidée dans la douleur il y a déjà trois mandatures. C’est dire ! Maintenant, Moissac et Castelsarrasin qui curieusement font chorus sur la question, demandent le remboursement de leur avance de trésorerie, 1,5 millions de francs, quitte à passer par l’emprunt. La Chambre régionale des comptes s’étonne elle-même de la faiblesse des investissements ce que pointait d’ailleurs un rapport interne de cette même Com-Com.

Les terres de Confluences sont orphelines d’un véritable leadership d’autant plus impossible que les rivalités politiques en piste pour le bal des égos, déchirent le tissu local. Les petites communes jouent la fronde, quand, malgré les apparences, le bras de fer Moissac-Castelsarrasin ne s’est jamais arrêté. Plus que jamais, au moment où autour d’elle, les autres collectivités prospèrent et se développent, les Terres de confluences ont besoin d’un projet de territoire et d’une incarnation.

Macronie mal à droite?

La macronie est-elle condamnée à tomber à droite, après les élections européennes ? Tout tend à donner corps à cette hypothèse. Les dernières lois ou projets : retraites, immigration, orientations agricoles, indemnités chômage et maintenant réforme de la fonction publique pourraient en être les signes annonciateurs… Les media, mais aussi les partis politiques, tout comme les syndicats veulent y voir un tournant, comme une reddition en rase campagne aux idéologies des droites, voire de la droite extrême, ce qui sonnerait la fin définitive du « en même temps » qui fut la marque de fabrique du macronisme. 

Aujourd’hui, plus personne ne veut reconnaître ses rejetons conceptuels dans ce que le Président de la République continue d’appeler un pragmatisme de bon aloi. La gauche, embarquée sur la galère NUPES, ne trouve aucun mérite, aucune vertu aux différents gouvernements. Même le fameux « quoi qu’il en coûte » qui a coûté si cher et permis à des milliers d’entreprises et des centaines de milliers de salariés de traverser la période covid sans perdre trop de plumes, aussitôt relayé par la séquence « pouvoir d’achat » est désormais l’objet de toutes les critiques. Trop dispendieux, pas assez ciblé, trop ceci et pas assez cela, le « quoi qu’il en coûte » qui était pourtant l’expression d’une politique keynésienne, devient, mutatis mutandis, le responsable du déficit budgétaire, symptôme du mal endémique qui accable la France depuis des lustres. Ravie de l’aubaine, la bonne vieille droite déchiraquisée et tout aussi déboussolée, relève le menton, endosse la défroque du père la rigueur et fustige à tout va les choix de Macron qui pourtant empruntent de plus en plus souvent à sa philosophie.

La macronie, qui pensait couper l’herbe sous les pieds du RN en droitisant son discours a de fait perdu le cap. Ses tentatives désespérées pour se concilier à l’Assemblée nationale les bonnes grâces des rescapés UMP de 2022, prennent un tour pathétique et contre-productif. Ces derniers ont compris qu’ils pouvaient, à défaut de se refaire la cerise, exercer un réel pouvoir de nuisance. Ils ne s’en privent pas, alors que peu à peu, à bas bruit, la gauche macroniste s’évanouit dans la nature. TDP, Territoires de progrès, un mini-mini parti censé donner à la majorité présidentielle sa jambe gauche, donc sa force de frappe populaire, s’est comme évaporé dans les brouillards de printemps.  Il n’apparaît même pas sur les affiches de la campagne européenne quand Modem et Horizons se disputent la lumière avec Renaissance! TDP est un mirage. Jamais montré, jamais invité, jamais cité, pas même par les ministres à l’origine estampillés à gauche ! Il est un mirage dans un désert idéologique !                                                                              

Les sondages qui se multiplient à l’approche du scrutin du 9 juin, confirment tous cette perte de substance. Valérie Hayer qui n’a toujours pas fait connaître sa liste Renaissance est à la peine. Très loin derrière le RN, elle est presque menacée, pour la deuxième place par R. Glucksman qui, divine surprise pour un PS étique qui n’en espérait pas tant, ratisse bien au-delà des socialos, et chez les écolos et chez les macronistes. Il faut dire que ces derniers, recroquevillés sur leur bilan bruxellois dont ils n’ont pourtant pas à rougir, ont fait de la guerre en Ukraine et de la dénonciation du RN leur principal argument de campagne. Est-ce suffisant ? A l’évidence non. D’autant que ce scrutin s’annonce, tout du moins en France, comme un tour de chauffe national. Et sur ce terrain le Président, le gouvernement, les parlementaires, Renaissance, incapables de se partager les rôles, font preuve d’une curieuse maladresse, à moins que ce ne soit l’expression d’un choix in fine assumé. Un exemple ? La réforme de la fonction publique. Nécessaire certes, mais pourquoi, dans la communication officielle, agiter en premier le spectre des licenciements ? Autre exemple, la réduction du déficit. Souhaitable, indispensable bien sûr ! Mais pourquoi faire des chômeurs et assurés sociaux les boucs émissaires favoris de la situation ? Quid du volet recettes, des profits démesurés de certaines sociétés, de la bourse où les compteurs explosent ? And last, but not least, cette loi agricole et son fumet de populisme agraire, et les vilaines manières qu’elle promet à la lutte contre le changement climatique pourtant décrété priorité du quinquennat…

« Ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent » disait Edgar Faure. Mais à trop louvoyer, on perd vite le cap par gros temps, obligeant ses navires à se réfugier dans un havre (vous avez dit Le Havre) « sécure » pour ne pas dire sécuritaire. Pas étonnant dès lors que la jeunesse, toutes illusions perdues, lève l’ancre pour des horizons qui continuent à se dérober à elle ! Ainsi en va-t-il, plus globalement des électorats sociaux-démocrates qui fatigués des oukases mélenchoniens, cherchent dans une cacophonie désespérante une voix et les moyens d’exister par eux-mêmes. Décidément, l’après européennes pourrait nous réserver bien des surprises. 

Besoin d’Europe. Désir d’Europe

Vilain temps pour la macronie. L’apparition de Valérie Hayer, tête de liste Renaissance pour les élections européennes du 9 juin, n’a pas (encore) modifié la donne électorale, tout du moins telle qu’elle apparaît dans les sondages. L’écart aurait même tendance à se creuser avec le RN qui caracole très loin devant dans les intentions de vote. La majorité se serait-elle trompée de stratégie ? A taper comme des forcenés sur l’extrême droite, les macronistes produiraient-ils l’effet inverse que celui escompté ? Voilà le parti de Le Pen érigé en adversaire unique, en menace électorale principale. Ce n’est pas faux. Mais à trop l’installer dans cette position, les macronistes le crédibilisent et le renforcent encore un peu plus auprès d’un électorat qui ne trouve pas ailleurs, dans les offres politiques, des réponses à ses attentes. Ils lui donnent ainsi sur un plateau le rôle de meilleur opposant à la politique gouvernementale. Tout cela lui convient parfaitement. Car au fond, le parti de Bardella a une priorité affichée : 2027 et l’élection présidentielle. Le grand rendez-vous ! Tout le reste n’est qu’étapes dans la longue marche entreprise bien avant 2002 (*) par Le Pen père, fondateur du parti. 

Deuxième conséquence et non des moindres. On ne parle plus d’Europe. Pour être précis, la majorité présidentielle n’en parle qu’en référence au RN, à ses votes à Strasbourg, éventuellement à son programme, quand on parvient à le trouver. C’est lui faire beaucoup d’honneur, lui qui n’a qu’une obsession, le trop d’Europe, l’Europe qui ne serait pas la solution, mais bien le problème. Les colères des agriculteurs en ont été un parfait exemple et une aubaine pour cette extrême droite, qui, Coordination rurale aidant, a su en attiser les braises. Face à un tel matraquage, à une telle imposture il faut bien entendu défendre mordicus l’idée d’une Europe souveraine, capable de peser dans un monde de plus en plus tourmenté et d’aider chacun des pays membres à faire face aux grands défis de la période, la crise Covid en demeure une illustration incontestable. Oui on a besoin d’Europe pour reprendre le slogan de campagne de Renaissance. Mais il faut aussi chez les électeurs provoquer un désir d’Europe. Comment ? En affichant un programme, des ambitions pour le quotidien des citoyens du continent. Il faut parler à cette jeunesse française, lui adresser des messages d’espoir, d’autant plus forts que la période est morose, quand elle n’est pas inquiétante. La dernière étude d’IPSOS pour le CEVIPOV montre en effet qu’une partie des jeunes de 18 à 35 ans est tentée par un vote RN le 9 juin prochain. Il reste trois mois pour faire que le rêve europeen ne devienne pas un cauchemar.

(*) JM Le Pen arrive pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle. Il est battu par Jacques Chirac qui bénéficie des voix de la gauche.

L’autoroute et l’Europe

Du côté de Valence d’Agen, Vinci nettoie enfin l’autoroute. Presque un mois que la circulation est interdite entre Agen et Montauban sur cette portion de l’A62, bloquée par des tas de fumier et d’immondices, déposées là par la colère paysanne. Pourquoi tant de temps ? Les préfectures avaient-elles des consignes ou craignaient-elles tout simplement la réaction de la Coordination rurale très active dans le coin ? Les paysans se disent incompris et maltraités mais quelle organisation de salariés, quel syndicat, quel groupe d’écologistes enragés auraient bénéficié de la même écoute, de la même mansuétude ? Aucun ! 

Certes, les paysans ont des difficultés et certaines de leurs revendications sont parfaitement fondées. Ils ont été entendus. Le catalogue des mesures que le gouvernement leur a concédées est impressionnant. Il est même problématique quand il gomme les mesures environnementales sur les haies, les pesticides, les engrais et la préservation des ressources en eau. Agriculture, environnement, les grandes causes, comme les a décrétées le Président et le Premier ministre, finissent par se contrarier. Et à céder sur tout, le pouvoir se discrédite sans pour autant satisfaire les organisations agricoles qui à l’évidence ont en tête l’agenda européen. Car c’est là l’objectif de cette jacquerie continentale : faire tomber le Green new deal, la grande ambition de l’Europe en matière d’environnement, et dans le même élan, balayer à la faveur des élections du 9 juin, l’actuelle majorité au parlement de Strasbourg.

Pas un jour sans que tel ou tel dirigeant agricole, y compris le président de la FNSEA, qui dans les plaines d’Ukraine ne déparerait pas aux côtés de quelques oligarques céréaliers, ne raconte à qui veut l’entendre que « le compte n’y est pas » ne menace de nouvelles actions violentes. Étourdie ou peureuse la presse s’est bien gardée de faire le bilan de ce Salon de l’agriculture, le pire du genre où des activistes déchaînés voulaient interdire au Président de la République de discuter avec les professionnels de la filière. Du jamais vu ! Quelques heures plus tard, les mêmes paradaient tout sourire avec les chefs du RN dont le maigre programme en matière d’agriculture laisserait le monde rural la langue pendante et les exploitations en jachère. Mais la politique, la bataille idéologique qui fait rage par ces temps tourmentés a des raisons que la raison ignore. Raison de plus pour tenir le terrain et convaincre les électeurs de France et du continent que nous avons besoin d’une Europe démocratique, à la manœuvre sur les grands enjeux géopolitiques, sur les problèmes du monde agricole mais aussi sur les questions environnementales qui rappelons le, engagent existentiellement les générations futures.

À MONSIEUR Robert Badinter

Votre vie, vos combats forcent le respect. Emportent mon admiration. Vous avez été et restez l’honneur de la gauche, l’incarnation d’une éthique intransigeante, le plus beau visage de ce que nous appelons les valeurs de l’humanisme. Vous êtes pour moi un exemple et déjà un immense chagrin. Je n’ai pas la religion des grands hommes, mais je ne peux m’empêcher de penser que pour moi, pour ma génération engagée humblement avec vous, vous en êtes un, un Grand homme. C’est si rare! Et à cette heure tardive de la nuit, j’ose croire que la meilleure façon de vous rendre hommage, c’est de mettre, modestement, et pour ce qui nous reste à vivre, nos pas dans les vôtres.