Il est des conversions rapides, mais guère surprenantes quand il s’agit de grappiller des voix dans cette partie de l’électorat qui professe une aversion congénitale pour tout ce qui peut être taxé de culturel. Dans sa profession de foi le candidat PRG n’hésite pas à déclarer en substance: il faut réduire à Moissac le budget de la culture (celui de la communication aussi) pour en finir avec la culture élitiste.
Mais que cherche-t-il à montrer du doigt? Le Festival de la voix dont les spectacles payant font le plein quand les concerts gratuits régalent jeunes et vieux et animent le centre ville? Les concerts du samedi, gratuits eux aussi, qui remplissent cafés et restaurants de la place? Les expositions, comme Visages de Moissac, Moissac ville de justes qui rendent aux Moissagais la fierté de leur passé? De quoi parle-t-il, nul ne le sait car il se garde bien de nommer l’objet de sa détestation. A moins que ne soit visée la présence d’Organum, et de Marcel Perez dont le travail sur les musiques médiévales est mondialement reconnu.
Certes, les concerts d’Organum n’attirent pas le grand public, plutôt des amateurs au sens plein du terme, venus de Moissac, du département et souvent de plus loin encore. Certes, bien qu’en résidence, l’artiste n’est pas toujours là. Normal, il court le monde, ambassadeur des musiques du Moyen âge dont raffolent japonais et américains, ambassadeur, il faut bien le savoir de Moissac et de son abbatiale.
Moissac doit être fière d’Organum qui doit poursuivre, en nos murs, son oeuvre. Mais qui doit aussi s’ouvrir davantage au jeune public, travailler avec les écoles, s’inscrire dans une pédagogie de l’excellence à destination de tous les publics. Aux politiques de fixer le cap,et d’en baliser le parcours!
Car la culture c’est un ensemble aux contours indéterminés, en perpétuelle respiration, c’est une somme de savoirs, de curiosités, de pratiques, toutes aussi respectables les unes que les autres, qui se nourrissent, qui agissent l’une sur l’autre, c’est un corps vivant. Voudrait-on l’amputer?
Un adjoint aux cultures
Les politiques, surtout dans une collectivité territoriale, seraient donc bien avisés, quand ils tentent d’élaborer dans ce domaine un programme, à parler des cultures, des habitudes culturelles, des pratiques culturelles. Ils peuvent même se référer aux pères de la république et à cet idéal de transmission d’un savoir, de savoirs multiples qui avec le temps deviennent héritages culturels. Oui, il y a dans les démarches culturelles une part disons de pédagogie, de découverte et au final de rencontres. Oui il y a dans la culture une part de jouissance immédiate, de plaisir facile et partagé, d’exaltation d’une identité primaire et fédératrice. Les bals occitans, par exemple, convoquent une histoire nébuleuse mais commune; la musique country fond dans une improbable identité le middle-west américain et les campagnes bien de chez nous.
La culture nourrit l’économie
Moissac n’échappe pas à son temps. Nous sommes d’ici et d’ailleurs, nous sommes uniques et divers, disponibles pour de multiples voyages. L’offre culturelle de notre ville doit être au diapason. Elle doit conjuguer dans un même élan, qualité, diversité, invitation à la découverte et plaisirs simples et partagés. Moissac doit jouer sur toutes les cordes, sur toutes les sensibilités, du bal musette au concert de musique arabo-andalouse, de la Nouvelle star à Brecht.
Mais soyons clairs, la mairie n’a pas vocation à tout faire. Il faut laisser place à l’initiative privée ou associative, permettre que dans ce domaine s’épanouissent mille fleurs. La ville doit se concentrer sur l’essentiel, aller là où par facilité ou peur du risque, les autres n’iront pas. Donner à travers ses aides et ses initiatives une colonne vertébrale à l’offre culturelle globale de notre territoire. Demeurer un acteur exigeant à la manière d’un Malraux qui voulait démocratiser la culture et permettre à la France de se ré-approprier son patrimoine. C’est, modestement ce qu’a tenté Moissac. C’est sur ce chemin (de Saint Jacques!) qu’elle doit poursuivre, sachant que dans notre temps, la culture, tout comme le tourisme qui en est une forme de précipité, est un puissant levier économique qui mérite plus que jamais d’être actionné.